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La taxation des multinationales progresse dans le monde

C’est une petite révolution, passée relativement inaperçue dans le flot de nouvelles du début d’année. Depuis le 1er janvier, un groupe d’Etats, dont ceux de l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada et l’Australie, mais aussi des pays longtemps considérés comme des paradis fiscaux, comme le Luxembourg ou la Suisse, appliquent un taux d’imposition minimal mondial de 15 % sur les sociétés. « C’est une aube nouvelle pour l’imposition des grandes multinationales », a déclaré Paolo Gentiloni, le commissaire européen à l’économie, le 1er janvier. « Il s’agit d’un premier pas vers une gouvernance mondiale fiscale, et ce n’est pas rien à l’heure où les tensions géopolitiques compliquent la coopération entre Etats », juge Alain Trannoy, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
Cette mesure est le fruit de l’accord conclu, en 2021, entre près de 140 pays, dans le cadre de la vaste réforme du système fiscal mondial menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Son objectif : mettre un terme à la concurrence déloyale menée sur ce terrain par certains pays – en particulier par les paradis fiscaux – et aux pratiques d’optimisation fiscale agressive de certains groupes.
Dans le détail, les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 750 millions d’euros y sont désormais soumises – soit 100 000 sociétés environ. Prenons l’exemple d’une multinationale tricolore ayant une filiale logée dans un pays où l’impôt sur les sociétés est de 5 % seulement : « L’administration fiscale française pourra lui réclamer la différence entre les 15 % et ce taux, soit 10 % », explique François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et spécialiste des finances publiques.
« Le pari de l’OCDE est que ce système incitera les paradis fiscaux à s’aligner sur les 15 % pour éviter que ces nouvelles recettes fiscales leur échappent », détaille Marc Pelletier, expert en droit fiscal chez Racine Avocats. De leur côté, les entreprises auront a priori moins intérêt à s’enregistrer dans les pays aux taux d’imposition légers.
D’après l’organisation, le nouvel impôt devrait rapporter de 155 milliards à 192 milliards de dollars par an au total aux Etats (141 milliards à 175 milliards d’euros) – une manne bienvenue, à l’heure où la transition verte et le désordre climatique exigent de nouvelles dépenses publiques. La France et l’Allemagne peuvent espérer récolter 1,5 milliard d’euros de plus par an. « Selon nos estimations, 60 % des nouvelles recettes iront aux sept pays les plus riches, et 3 % seulement aux pays aux revenus les plus faibles : cela risque, hélas, de creuser un peu plus encore les inégalités », regrette Layla Yakoub, qui suit les questions de justice fiscale chez Oxfam.
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